Académie de Mâcon / La mutation historique du paysage agraire entre Saône et Loire

Les travaux au sein de l'Académie de Mâcon

La mutation historique du paysage agraire entre Saône et Loire

Pôle Viticulture – Agriculture – Environnement

(Article rédigé à partir d’éléments du rapport Agriculture-Viticulture « Questions d’avenir » initié par le pôle Viticulture-agriculture)

L’agriculture de Saône-et-Loire tient historiquement une place privilégiée dans l’ensemble national tant par sa superficie, (545 000 hectares) soit 63,3 % du territoire départemental, que par son poids économique ou sa vocation d’aménagement rural. L’importance de sa surface agricole utile (SAU) place le Département au second rang au niveau national derrière la Marne (Agreste, 2018). Au plan économique, il se situe au second rang dans le nouvel ensemble régional Bourgogne Franche-Comté tant en ce qui concerne les résultats économiques départementaux (1,163 milliard) que son potentiel d’exportation qui représente 55,8 % de ce produit global (Agreste, 2019).

Par contraste, au milieu du XIXe siècle, le paysage agraire du Département offrait un visage bien différent où la jachère dite terre morte ou terre au repos s’estompait sans disparaitre sous les effets conjugués des labours profonds, des plantes nouvelles, et surtout des engrais. La distribution de ses composantes voyait les terres arables dominer (63 %) ensemencées en blé et en seigle (40 % de chacune) alors qu’elles ne représentent plus aujourd’hui qu’un tiers de la surface agricole utile (178 595 ha) principalement en céréales (49,4 %) puis en cultures fourragères (34 %) et oléagineux (13,5 %).

La prairie naturelle (dite surface toujours en herbe, STH) amorce une courbe inverse pour répondre à un besoin de consommation urbaine de viande passant d’un tiers (128 000 ha)[1] à deux tiers aujourd’hui (348 200 ha). Elle accueille, ainsi, le premier troupeau allaitant de France par le nombre de têtes (218 000 vaches nourrices, 190 000 bovins de plus d’un an, 190 000 bovins de moins d’un an). La proportion du cheptel laitier ne dépasse pas 5 % du premier.

Avant les grandes épidémies phylloxériques, la vigne, occupait jusqu’à   47 000 hectares, étant présente dans 316 communes du Département. Au bénéfice d’une replantation plus qualitative et orientée les meilleurs sols, elle occupe 13 300 hectares (soit 2,3 %de la SAU) et produit, selon des variations annuelles, de l’ordre de 620 000 à 780 000 hectolitres par an soit 43 % de la production des vins de Bourgogne, dont la couleur est au deux tiers blanc et un tiers rouge.

La forêt, grande pourvoyeuse de bois de chauffage (Morvan) vers la capitale doit sa restauration au code forestier (1867) relayé par de grands propriétaires éclairés. Son couvert végétal, en Saône-et-Loire, s’est orienté vers les résineux et des essences nouvelles non indigènes, pin sylvestre, épicéa, douglas… Elle connaît une progression s’établissant aujourd’hui à 207 000 ha (dont près d’1/4 de forêt publique), qualitativement dominée par une plantation en feuillus (78 %, chêne, hêtre…) principalement pour la production de bois d’œuvre (63 %), bois énergie (21,5 %) et bois de trituration (panneaux de particules) (9,5 %).

En qualité de Président du Conseil Général, Lamartine, en présence du Préfet le 29 août 1841 conclut ainsi une séance : « Voyez, messieurs, combien le temps a marché en moins d’un siècle en ce qui touche à l’agriculture. Autrefois, vous attachiez le serf à la glèbe, et vous lui disiez, travaille pour les autres, aujourd’hui, vous lui dites, travaille pour toi, voilà une maison, un champ, des instruments de travail, voilà la science, ce premier des instruments : enrichissons-nous ensemble ! Autrefois, on ne couronnait que l’art qui tue les hommes ; aujourd’hui, vous couronnez l’art qui les nourrit ! Il y a dans cette différence toute la distance qui sépare la barbarie de la civilisation, soyons heureux de notre siècle ! »

[1] (Badin et Quantin, Annuaires de Saône-et-Loire, 1847)

© photo JPS- Tableau de Camille Corot, Champ de blé dans le Morvan, 1842, musée des beaux-arts de Lyon